Fracture du langage, rupture politique ? (Louis XVI, Macron,...) ? #1
On interroge ici le pouvoir irrésistible des grandes ruptures du langage depuis qu'Homo Sapiens existe. Et comment Louis XVI comme Macron, enferrés dans le déni, les ont subit.
Si les causes profondes des ruptures politiques, celles de l’époque de Louis XVI ou de notre président Macron ne vous intéressent pas, alors ne lisez pas cette lettre. Sinon je vous invite à découvrir ici pourquoi un changement de paradigme du langage internet devenu artificiel (IA), celui d’un internet qui devait sauver l’humanité, la conduit au plus redoutable chaos de l’esprit, à la plus grande déstabilisation (éducative, culturelle, politique, économique,…) jamais connue.
Car quand on change si radicalement de paradigme de langage, cela se retourne contre la société et son espace public, et on prend conscience du changement en cours. Pourquoi n’en sommes qu’au début de la grande déstabilisation de l’IA qui fracture nos sociétés en nourrissant l’esprit de meute ?
Cette image caractérise aussi l’évolution des “États désunis d’Amerique” depuis 2016, année où Hillary Clinton a été battue par le pouvoir de l’IA Trumpiste… qui revient en pleine force en 2024. Ainsi, nous allons découvrir que la déstabilisation de l’IA est aussi géopolitique, qu’elle s’accélère, et que nous n’en sommes qu’au début. L’opportunité formidable de cette déstabilisation inédite du pouvoir économique (quelque soit l’industrie), c’est qu’un nouveau paradigme de la valeur décrit dans cette lettre ouvre une voie royale aux vrais créateurs.
Du livre “outil d’intelligence” à l’espace public déstabilisé
« Le cerveau et la technologie (de surveillance, NDLA) sont les champs de bataille au cœur de la géopolitique du XXIème siècle » James Giordano (2018), Professeur de neurosciences à Georgetown, Washington, USA
Avec cette citation du professeur Giordanio, je formule ces trois hypothèses sur l’évolution, bonne ou mauvaise, de la dynamique des foules et du cerveau dans un espace public toujours plus numérique, toujours plus changeant, qu’il convient de définir. Dans celui-ci, on peut dorénavant rencontrer un déluge d’IA insupportable, mais aussi vraiment n’importe qui, le pire ou le meilleur des individus sans aucun filtre. Cet espace public dangereux n’est rien d’autre que notre espace culturel et politique aujourd’hui menacé par la surveillance qui induit l’addiction. Ces trois hypothèses de mon cru peuvent vous sembler bizarres, optimistes ou dérangeantes, mais ces questions ont le mérite de vous interroger sur l’essor de la technologie. À vous d’en juger:
Et si les conséquences sur notre intelligence de la surveillance des espaces publics/privés par les écrans et outils d’IA, dont les visées sont totalitaires depuis le covid, étaient dévastatrices pour le développement cognitif de l’enfant ?
Et si à l’âge de l’IA qui commence à peine, l’imagination issue de la lecture du livre (cette technologie en apparence dépassée inventée par Gutenberg), faisait du livre papier et de l’écriture manuelle les outils d’intelligence et de création de valeur artistique (de propriété intellectuelle) indépassables ?
Et si l’esprit de meute, démultiplié par les algorithmes des outils que nous utilisons pour vivre et travailler, s’imposait sur l’espace politique ? Et si cette surveillance totale ruinait la culture, la création, et l’imagination, qui seules nous permettent de vivre ensemble ?
Tragédie du déni: Louis XVI et Macron
Pourquoi Clinton battue en 2016, ou encore Macron décidant de son auto-dissolution surprise de l’été, pourquoi ces figures politiques en apparence si brillantes n’ont-elles rien vu venir ? Je m’interroge encore au lendemain du premier tour des législatives 2024: mais pourquoi donc notre président a-t-il systématiquement sous-estimé le pouvoir technologique d’internet et de l’IA depuis son élection en 2017, alors qu’il se doutait des conditions de la victoire de Trump ? Depuis, qui sauf notre président ne voit pas que les visées de Trump sont totalitaires, puisqu’il envoie ses meutes enragées sur internet envahir le Capitole le 6 janvier 2020 ? Pour comprendre comment cette tragédie du déni se répète chez tant de dirigeants qui, depuis Louis XVI, n’ont pas compris les pouvoirs changeants du langage, il est utile de revenir sur les causes sociales et politiques profondes de la révolution qui ont échappées à Louis XVI:
Selon le philosophe allemand Jurgen Habermas, c’est l’émergence déterminante de la protection de « l’espace privé de discussion » qui va permettre le mouvement des Lumières et préparer la Révolution. Dans son livre « De l'usage public des idées”, écrits politiques 1990-2000, Habermas analyse l’importance historique de la technologie d’impression de Gutenberg dans l’émergence de l’espace privé du foyer bourgeois où l’on crée librement des idées nouvelles (18ème siècle à aujourd’hui); c’est cela qui permis la révolution des Lumières et l’émergence des pratiques démocratiques dont nous héritons.
Revenons sur l’impact progressif de la technologie de diffusion des idées dans le livre et dans les journaux depuis Gutenberg (1450), car on sait qu’elle a engendré la Révolution, notre matrice politique. On peut comparer ici la décision de fuite à Varennes désastreuse de Louis XVI (1791), qui précipite sa mort politique et sa décapitation, à l’acte d’auto-dissolution tout aussi calamiteux qui signe la fin du Macronisme. On sait que Louis XVI est resté, jusqu’en montant sur l’échafaud, dans un déni total de la dynamique révolutionnaire issue de la diffusion du livre. J’argumente ici que c’est la même “tragédie du déni”, cette incapacité à analyser la dynamique, l’impact des technologies de son époque, qui à précipité le désastre politique de Louis XVI, de Clinton et de Macron. Ce qui m’inquiète, c’est que notre président, et probablement aussi la plupart de ses conseillers, ne comprennent plus les nouvelles règles de l’espace algorithmique, où l’essor des positions les plus extrêmes et des idées les plus folles devient possible. Or quand on change de technologie de langage (ici basculement sur l’écriture artificielle (IA) après l’écriture imprimée), on change de paradigme.
J’ai écris cet essai du “Livre contre l’IA” pour expliquer pourquoi le livre reste un agent, un outil d’intelligence créative indépassable, plus que jamais d’actualité à l’âge de l’IA. Le voici résumé avec cette modélisation de l’histoire du langage oral devenu écrit puis imprimé puis aujourd’hui artificiel; ce tableau résume l’aventure, les dynamiques majeures (ligne 1 à 5) des cinq technologies (en colonne) qui ont lentement forgées l’espace public puis déstabilisé dans l’histoire chaque pouvoir religieux ou politique:
J’argumente, avec cette modélisation de l’aventure et des pouvoirs historiques du langage, que l’espace public et politique est aujourd’hui de plus en plus régit, bien trop à mon gout, par les échanges algorithmiques qui en développant l’addiction condamnent l’enfant à l’ignorance. Il faut prendre conscience que ces échanges augmentent de façon vertigineuse, insupportable pour les cerveaux les plus fragiles. Ainsi, la “déstabilisation cognitive et politique” a en réalité commencée en 2016 avec le coup d’état technologique et culturel de Trump, le Gaslighting expliqué dans mon livre. Car quand on se sait surveillé, on ne pense pas la même chose, on ne s’exprime pas de la même façon, on n’ose plus créer des choses nécessaires ou dérangeantes. Je ne souhaite pas vivre dans une société où l’espace démocratique et culturel est ainsi étouffé, capturé.
Un pays sans langue ni culture vivante et créative se fracture tout comme le drapeau déchiré plus haut. Où va une nation qui néglige, qui paupérise les créateurs pour n’encourager qu’une addiction digitale à l’hormone de dopamine ? Sachant que la culture et la création constituent ce qui nous rassemble pour faire société, je m’inquiète du fait que les entreprises qui surveillent nos vies puissent détruire, pour leur seul profit, l’espace public et culturel qui est notre bien commun. On le voit sur le modèle d’évolution, c’est le double trauma sociétal du covid et de l’impact cognitif de l’IA qui accélère cette dynamique terrifiante qu’il faut comprendre pour s’en protéger.
L’opinion manipulée, chocs covid/IA
« Le cerveau et la technologie sont les champs de bataille au cœur de la géopolitique du XXIème siècle » James Giordano (2018), Professeur à Georgetown, USA
Depuis la Révolution de 1789 qui reste notre matrice politique, et avec l’essor des médias de masse du 19ième au 21eme siècle, on peut caractériser un homme politique comme celui qui parvient à maitriser l’espace public d’une nation (constituée par ceux qui partagent un langage et des institutions) pour s’emparer du pouvoir et le garder grâce à la technologie de son époque. Vous voyez en ligne 4 du modèle d’évolution plus haut que depuis 1900, avec l’essor des médias de masse (journaux, radio, télévision, internet…), la manipulation de l’opinion publique, la propagande, a d’abord été l’outil des régimes les plus totalitaires (communistes, fascistes, …). Avec l’explosion des écrans mobiles, on sait que dès 2016, Trump a pris le pouvoir, et le reprendra probablement bientôt, grâce à une technologie qui fouille nos vies les plus intimes. Il a fait basculer les électeurs par la peur digitale, en diffusant sa promesse d’éternité “Make America Great Again”. Quand le tout nouveau président de l’UE en fait aussi sa devise “Make Europe Great Again”, on a des raison de s’inquiéter. C’est la preuve par ses mots de propagande et par sa géopolitique de l’IA que Trump déstabilise le fonctionnement de presque tous les espaces politiques et démocratiques occidentaux.
Explorons maintenant comment le trauma sociétal du covid est aggravé par les conséquences de l’IA générative. Cette technologie recrache sans limites, comme un perroquet halluciné, une propagande politique toujours plus violente et imprévisible.
On devine ici que les effets majeurs de ces cinq technologies du langage sur la culture, la politique et l’économie (voir modèle d’évolution) sont toujours plus imprévisibles, allant du meilleur au pire. Si nous rentrons pour longtemps dans la grande déstabilisation, alors autant anticiper joyeusement son nouveau paradigme créatif sans rejeter l’IA en bloc, mais seulement sa surveillance scélérate qui met en danger ceux qu’on aime. Il s’agit ici de prendre conscience de cette vérité dérangeante pour chaque adulte à l’âge de l’IA: quand on laisse filer notre vie privée à chaque instant, on nourrit une pandémie d’addiction hautement transmissible à l’enfant, on expose irrésistiblement à une nouvelle cybercriminalité ceux qu’on aime. La surveillance numérique totale est une question politique à laquelle Macron et ses successeurs devraient se confronter, mais encore faudrait-il qu’ils ne s’en emparent pas à nos dépends. En effet, comment a réagit notre président si jupitérien face à la pandémie galopante du covid au printemps 2020 ? Il a transformé, probablement à raison mais de façon pernicieuse, une crise sanitaire inédite en la plus grande opération de surveillance technologique et policière de masse jamais déployée. Un historien et sociologue français, Nicolas Mariot, a démontré que la France détenait le record mondial des contrôles technologiques par habitant. Il a publié ce livre édifiant “L’attestation, une expérience d’obéissance de masse, printemps 2020”. On comprend ici que notre chef d’état voulait en réalité masquer la pénurie de masque, mais que son astuce autoritaire et insincère a eu deux conséquences irréversibles.
D’abord, la technologie et sa surveillance de la vie privée est devenue “fatale”, au sens que l’algorythme s’impose à chacun (“fatalitas”) et à tout instant pour survivre durant les confinements. On ne meurt pas de l’algorythme, mais on n’a pas d’autre choix que de lui obéir, et son addiction condamne l’avenir de l’enfant. A chacun de choisir.
Ensuite cette surveillance technologique totale, cette militarisation du cerveau a démontrée qu’elle pouvait traquer jusqu’au moindre de nos déplacements ou sortie culturelle (pass numérique de sortie, pass sanitaire,…). Or quand un tel pouvoir de contrôle numérique se déploie, il ne revient jamais totalement en arrière, l’histoire le démontre. Pensez aux pouvoirs féodaux et religieux qui n’ont jamais pu s’empêcher de surveiller les esprits depuis l’antiquité. D’une surveillance policière omniprésente durant le covid, nous sommes passés au pillage total de la vie privée des salariés par les entreprises via les outils collaboratifs (tous américains) qu’elles achètent. On peut donc anticiper une bataille géopolitique, culturelle, économique (et aussi juridique) entre les USA d’un coté, la France et les autres pays européens de l’autre. Cela sera le sujet d’une prochaine lettre, les droits US et européens étant toujours plus irréconciliables sur le plan de la protection des droits de l’homme et de la vie privée du citoyen.
Nouveau paradigme, choix cornélien, opportunités
L’opportunité des transformations sociétales durant le covid, c’est qu’elles ont forcées l’émergence d’un nouveau paradigme créatif que ni le pouvoir politique, ni le pouvoir économique ne peuvent conscientiser: il remet en cause leurs pouvoirs. Encore une tragédie du déni, mais qui cette fois profite aux individus: les pouvoirs sous-estiment comme toujours l’impact sociétal de la technologie, occupés qu’ils sont à protéger leurs profits. Il ne faut jamais oublier que toute entreprise, et surtout la plus grande, est d’abord une institution de pouvoir et de conformisme qui défend ses profits avant d’innover. Rien ne repousse plus un dirigeant d’industrie qu’un créateur imaginatif, synonyme d’un risque qu’il convient d’éradiquer avec vigueur. Je me risque à formuler l’hypothèse que depuis le covid, ce désir de donner plus de sens à la vie titille une jeunesse créative à qui il prendra l’envie de se rebeller radicalement contre ces entreprises sans imagination.
Et si l’impulsion culturelle et imaginative, et si mieux créer des idées (voir modèle cognitif👇) passait pour les individus avant un travail salarié trop souvent ennuyeux et extractif de la valeur du travailleur ou de l’artisan (ligne 4 du modèle d’évolution) ? Et si la création de choses et d’idées originales, utiles, sincères donnait plus de sens à la vie ?
Serait-ce l’émergence d’un nouveau paradigme créatif pouvant amplifier la valeur de la propriété artistique et intellectuelle avec une autre dynamique du livre et une autre IA ? Je préfère cela à une société où trop d’entreprises paupérisent via leur surveillance les créateurs et la culture qui nous font vivre ensemble. Alors je détaillerai au fil de ces lettres ce nouveau paradigme de valeur déstabilisant pour les pouvoirs économiques en place. Je veux défendre l’énergie, la vitalité, la valeur de la propriété artistique et intellectuelle, celle des créateurs dont j’aime la fraicheur et la sincérité; je compte explorer au fil des lettres comment d’autres outils d’IA permettent d’augmenter le désir et donc la valeur de leur œuvres fraiches, sincères, originales, celles des auteurs que j’aime aider:
Demain, la valeur d’une création unique, sincère, imaginative se constituera d’abord dans les yeux des clients qui en rêvent; elle pourra être augmentée via une autre IA. C’est la voie royale des nouveaux créateurs, tout simplement parce qu’il n’y aura jamais de limite ni à leur imagination ni à leurs rêves ! David Jamet, “Le combat du livre contre l’IA (2024)”.
Levi-Strauss résume dans cette citation l’aventure étrange des pouvoirs du langage, ce “suprême mystère” dont je ferai le récit dans cette lettre:
« Que la musique soit un langage, à la fois intelligible et intraduisible, fait de la musique elle-même le suprême mystère des sciences de l’homme, celui contre lequel elles butent et qui garde la clé de leur progrès. » Claude Levi-Strauss
Voici la vision réaliste mais positive des prises de conscience nécessaires et des choix cornéliens à venir:
Quand on change de technologie et de pouvoir du langage (écriture, puis le livre de Gutenberg, puis IA) on change d’échelle de diffusion culturelle, on change de paradigme de création de valeur, on change de civilisation. Le choix est cornélien: les pouvoirs démiurgiques, les pièges d’internet et du langage artificiel peuvent fracturer la société, condamner l’avenir de l’enfant; encore faut-il prendre conscience que la surveillance intrinsèque de l’IA est la cause racine de nos addictions, de nos divisions politiques et sociétales. L’autre choix est lumineux: mener cette bataille éducative, c’est comprendre que la culture est ce qui nous rassemble; c’est s’emparer des nouveaux pouvoirs créatifs du langage. Bien utilisés, ils ouvrent la possibilité inédite d’augmenter la valeur des œuvres des créateurs sincères.
J’aime l’idée un brin facétieuse qu’en comprenant mieux les causes racines de la déstabilisation de notre dernier roi ou de notre président, on ouvre une possibilité inédite aux créateurs de demain: seule la culture qu’ils nourrissent peut nous rassembler ! Dans la prochaine lettre, nous approfondirons les bonnes raisons de nous préparer aux opportunités de cette grande déstabilisation des pouvoirs économiques en place: leur actifs devenant bien plus rapidement obsolètes, il faudrait être fou pour ne pas songer à les déstabiliser en toute légalité. En protégeant notre vie privée “Par le livre seul, par l’écriture d’abord”, on pourra s’emparer de ce nouveau paradigme de création de valeur. Pour conclure avec Carissa Veliz, “Notre vie privée est notre pouvoir de mieux créer”.
Privacy is Power - Why and How You Should Take Back Control of Your Private Life and Cybersecurity ». Livre de Carrissa Veliz (2020), professeure d’éthique à Oxford
Comme vous le voyez, “Le combat du Livre contre l’IA” se présente plutôt bien ! J’espère vous avoir inspiré le désir d’augmenter la valeur de vos créations originales, celles qui vous chantent, avec les nouveaux pouvoirs du langage et du livre ? Alors merci de partager cette lettre avec ceux que vous aimez, ou avec tous les lecteurs en herbe ou créateurs en devenir que nous connaissez ?